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Les trophées.

(J'ai hésité à présenter cette page en raison de la mauvaise interprétation qui peut être faite par beaucoup du désir qu'éprouvent certains chasseurs à mettre un point final à leur acte de chasse par la conservation de certains trophées. Je le comprends, dans la mesure où il fait plus référence à l'amour de cet animal dans sa beauté, même inerte, qu'au besoin de montrer sa conquête, sa possession, sa victoire. Je pense également que l'atout « recherche de trophées » peut aider à un prélèvement plus réfléchi, qui va dans le sens de la sélection et ne cède donc pas au travers de la quantité, du tableau ou du massacre. Les descriptions et tableaux de mensurations sont de CI. et A.-J. HETTIER DE BOISLAMBERT.)

Avance de la civilisation dans des régions autrefois inhabitées, la mise en culture, l'exploitation des espaces qui furent pendant des siècles le domaine exclusif des grands mammifères ont restreint considérablement l'étendue et le nombre des îlots tranquilles où vivent encore élans, cerfs, chevreuils, sangliers ou chamois.
Pour s'adapter à ces conditions nouvelles, le chasseur de gros gibier a dû modifier son attitude devant les animaux, et substituer au désir du gros tableau celui d'emporter un souvenir tangible et permanent des heures qu'il peut consacrer à sa passion. Ces souvenirs, ce seront les bois d'un grand cerf, les défenses d'un solitaire, que le chasseur conservera précieusement et auprès desquels il aimera revivre en pensée les jours passés en forêt ou en montagne à la recherche du gibier.
Pour ceux qui, attirés par la grande faune des pays d'outre-mer, ont pu aller pister buffles et éléphants, les lointaines expéditions qu'ils ont dû organiser, les moyens qu'ils ont dû engager ont aussi rendu rares et précieux les souvenirs qu'ils ont rapportés de leurs chasses. De plus en plus, nous voyons donc s'accroitre l'importance que donne le chasseur de gros gibier aux trophées des animaux qu'il a tirés, et qu'il conserve.
De cette importance donnée, dans la chasse moderne, aux trophées des grands mammifères, devait bientôt découler la nécessité de mettre au point un système rationnel de comparaison qui permit de classer les trophées d'une même espèce de gibier. Plusieurs facteurs concoururent à faire naitre ce système.
En premier lieu, l'amour-propre, bien naturel, des chasseurs voulut pouvoir apprécier la taille et la beauté des trophées qu'ils avaient obtenus, et établir des « records ».
Par ailleurs, la biométrie et l'étude scientifique des animaux trouvent une source de renseignements dans les mensurations des massacres. Les bois d'un cerf ou d'un brocard, par exemple, donnent de précieuses indications sur la santé, la vigueur de l'animal. Cela est dû à l'influence prépondérante, sur la formation annuelle par les cervidés d'une plus ou moins belle « tête », des calcaires assimilables contenus dans les végétaux.
On conçoit dès lors toute l'importance des renseignements sur la vie d'un animal, sur son habitat, que l'on peut tirer de l'examen de son trophée.
Pour répondre à ce besoin d'un système de mensuration à la fois scientifique, facilement applicable et tenant compte de l'esthétique des trophées, une commission spécialisée du Conseil international de la Chasse élabora une série de formules de mensuration adaptées à chaque genre de gibier. La très grande diversité de formes des trophées (bois, cornes, défenses) des nombreux grands mammifères que les chasseurs ont traqués sur tous les continents a exigé la création d'une trentaine de formules, qui permettent d'apprécier les massacres de toute la grande faune terrestre.
Trois éléments de comparaison principaux furent utilisés pour établir les formules: la longueur du trophée, le volume du trophée, déterminé par son épaisseur mesurée à des endroits caractéristiques, la beauté du trophée, c'est-à-dire l'élégance de sa forme, sa régularité, sa couleur.
Chacune de ces mesures est affectée d'un coefficient qui permet de la convertir en points. L'addition de ceux-ci autorise la classification des meilleurs trophées, principalement au cours des expositions cynégétiques, et fait clairement ressortir la qualité des animaux d'une région, ainsi que les variations zoo géographiques. On trouvera ci-après quatre formules de mensuration du Conseil international de la Chasse, choisies comme étant celles qui offrent le plus d'intérêt pour la majorité des chasseurs français.
L'aspect scientifique, la conception même d'un système de mensuration des trophées, ne doit pas rebuter ceux qui ne sont pas encore familiarisés avec ces données. De la notion de trophée découlent, en effet, une attitude, un mode de chasse nouveaux, bien plus importants encore que l'examen approfondi des massacres.
La recherche du beau trophée amène le chasseur de gros gibier à ne tirer presque exclusivement que les mâles adultes, seuls porteurs, en général, de bois ou de cornes dignes d'intérêt. Il s'ensuit une augmentation du gibier, les femelles et les jeunes animaux étant respectés.
Le chasseur dédaigne le tir d'un jeune cerf à sa quatrième tête, ce qu'il veut obtenir, c'est le massacre aux longs andouillers, aux empaumures développées, d'un grand animal parvenu à sa pleine maturité. Une seule méthode cynégétique offre au chasseur de grand gibier la possibilité de s'approprier de beaux trophées: la chasse à l'approche. Méfiants et rusés, les grands mâles ne sont que rarement tirés au cours des chasses en battue. En revanche, au saut d'une ligne, les animaux jeunes ou les femelles sont tués sans discrimination possible. L'approche, qui permet l'observation et le choix de l'animal porteur de trophée, est le mode de chasse au gros gibier le plus pratiqué, de nos jours, dans tous les pays du monde, la notion de trophée étant maintenant universellement répandue et appréciée.
Le caractère de la chasse et la recherche du trophée ne doivent pas être assujettis, cependant, à l'idée fixe du record. On préfèrera, sans aucun doute, un massacre obtenu dans des circonstances captivantes ou émouvantes - après une dure journée, par exemple, dans un très beau paysage - à un trophée meilleur, mais auquel ne se rattachent pas autant de souvenirs ou qui provient d'une chasse sans intérêt.
La sélection des animaux, par ailleurs, doit amener le chasseur de gros gibier soucieux de l'évolution qualitative de son cheptel à une conception plus nuancée du trophée. Le tir systématique des mâles porteurs des meilleurs massacres, donc de bonne race et vigoureux, entraine rapidement la reproduction des animaux mal conformés, tenus en respect jusqu'alors, au moment du rut, par les premiers.
Dans certains pays, par exemple, où l'on ne tirait que les grands cerfs à empaumure, on a pu assister à une dégénérescence, marquée par la quasi disparition des cerfs à empaumure dans les générations suivantes. Les lois de la nature exigent que le chasseur de gros gibier élimine les sujets faibles, maladifs, les têtes bizardes. Les animaux trop âgés, qui ont accompli leur rôle de reproducteurs, doivent céder la place aux animaux plus jeunes et bien conformés, que l'on aura ménagés avec soin.
Dans la collection d'un bon chasseur, on devra donc trouver, à côté des grands massacres qui font son orgueil, les trophées des très vieux cerfs sur le retour des brocards « meurtriers », dont les dagues sans andouillers constituent une arme dangereuse pour les autres chevreuils. La faune des pays d'outre-mer, payant tribut aux grands carnassiers, est encore soumise à la sélection naturelle, et le problème ne se pose pas avec autant d'acuité que pour notre gibier d'Europe. Ici, la sélection exige de longues et passionnantes observations des animaux, indispensable pour maintenir l'équilibre biologique, elle ne peut être réalisée que par le chasseur à l'approche, qui y puisera de très grandes satisfactions en voyant son gibier assaini, vigoureux, et ses trophées améliorés.
À partir de la notion de trophée, nous voyons donc se dessiner une tendance cynégétique qui s'accorde avec les conditions de la vie moderne.
Les grands mammifères sont en diminution, leur habitat se restreint de jour en jour. Il y a lieu de remplacer le gros tableau par le grand trophée. Le chasseur tuera moins de gibier qu'autrefois, mais il pourra chasser autant, et même plus, s'il recherche seul, en forêt, les bois d'un cerf vraiment beau, ou les défenses d'un solitaire. Peut-être même que, délaissant parfois le fusil pour l'appareil photographique ou la caméra, il voudra obtenir « l'image trophée » d'un chevreuil au frayoir ou d'une harde de chamois sur un alpage. Ainsi conçue, la recherche des trophées assurerait aux futures générations de chasseurs des possibilités inépuisables.

Formules de mensuration du Conseil international de la Chasse.
cotation des trophées
1. Moyenne des longueurs des deux merrains, en cm X 0,5
2. Moyenne des longueurs des deux andouillers d'oeil, en cm X 0,25
3. Moyenne des longueurs des deux chevillures, en cm X 0,25
4. Moyenne de la circonférence des deux meules, en cm X 1
5. Circonférence du merrain droit, entre l'andouiller d'oeil et la chevillure, en cm X 1.
6. Même mensuration pour le merrain gauche
7. Circonférence du merrain droit, entre la chevillure et l'empaumure, en cm X 1
8. Même mensuration pour le merrain gauche .......
9. Poids des bois, diminué de 0,5 à 0,7Kg suivant la taille du crâne, en kg X 2 .....
10. Nombre d'andouillers ...........
11. Couleur des bois (de 0 à 2 points) .
12. Grain des bois (de 0 à 2 points) ....
13. État des pointes (de 0 à 2 points)
14. Envergure des bols (de 0 à 3 points)
115. Beauté des surandouillers (de 0 à 2 points)
16. Beauté des empaumures (de 0 à 10 points)

CORNES DE CHAMOIS ET D'ISARD.
1. Moyenne des longueurs des deux cornes, en cm x 1,5
2. Hauteur des cornes, en cm X 1 ...........................
3. Circonférence de l'étui le plus épais, en cm X 4 ...............................
4. Écartement des cornes, en cm X 1 ..................................
Au total ainsi obtenu, on ajoute, si l'animal était âgé de six à dix ans, 1 point, de dix à quinze ans, 2 points, de plus de quinze ans, 3 points.

tête de sanglier
DÉFENSES DE SANGLIER.
1. Moyenne des longueurs des deux défenses, en cm X 1
2. Moyenne des largeurs des deux défenses, en mm X 3
3. Circonférence du grès gauche, en cm X 1
4. Circonférence du grès droit, en cm X 1
Préparation des trophées.
Si l'on désire faire naturaliser la tête entière de l'animal, la peau sera sectionnée à la hauteur des épaules. Pour que le montage du trophée soit bien réalisé, il ne faut pas craindre, en effet, de prendre une grande longueur de peau, les cous trop réduits déformant l'aspect de l'animal naturalisé. S'il est impossible de remettre à bref délai le trophée à un préparateur, on séparera la peau du crâne, en prenant soin de détacher, sans les déchirer, les lèvres, les paupières et les oreilles. La peau, complètement retournée, bien dégraissée au couteau de taxidermie, sera largement salée, frottée, et séchée à l'air, mais à l'abri du soleil. Les rayons solaires, dans les régions tropicales surtout, provoquent la décomposition rapide des graisses des bulbes pileux, et les poils se détachent alors de la peau par plaques entières.
Une excellente méthode pour préparer les trophées qui ne seront pas naturalisés, tels que les bois de cerfs, les cornes de chamois, est la suivante. Débarrassé au couteau de la peau et du maximum de chair, vidé de sa cervelle, le crâne est immergé pendant un ou deux jours dans l'eau froide, eau courante si possible (ruisseau), afin de purger tous les vaisseaux sanguins de leur contenu. En évitant de plonger les bois ou les cornes dans l'eau, on mettra ensuite le crâne à bouillir quelques heures, puis il sera soigneusement gratté et débarrassé des derniers débris qui pourraient y rester attachés. Il convient de ne pas prolonger cette ébullition, qui ramollirait les os, les rendrait par la suite cassants et les noircirait. Propre et séché, le crâne sera alors enveloppé de vieux chiffons ou de cotons imbibés d'eau oxygénée. Ce liquide ne doit pas entrer en contact avec les bois ou les cornes, qui seraient blanchis également. Après évaporation de l'eau oxygénée, on retirera les chiffons, le crâne, exposé au soleil, acquerra une blancheur parfaite qui se maintiendra définitivement.
En aucun cas les trophées de gros gibier ne doivent être colorés artificiellement ou vernis. Un très léger coup de brosse, donné avec une brosse douce trempée dans de la térébenthine additionnée d'un peu de cire incolore, leur conservera leur couleur et leur lustre naturels, sans leur conférer un brillant de mauvais goût. Il est intéressant de laisser aux trophées de cerfs, de brocards, de chamois les adhérences de résine qu'ils avaient acquises en touchant au bois, respectant ainsi le plus possible l'état naturel du massacre au moment où il a été obtenu.
CI. et A.-J. HETTIER DE BOISLAMBERT.